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Dernière mise à jour : 20 sept. 2023

Alors, découvrez le Chapitre 2 du journal de bord de cette 54e édition, écrit par Pierre-Marie Bourguinat.



ÉTAPE 2 : KINSALE > BAIE DE MORLAIX DOUX, DUR, DINGUE...

Avec 557 milles au compteur, cette étape n’était certes pas la plus longue de l’histoire de la Solitaire du Figaro Paprec, mais elle restera à coup sûr dans le annales. Elle a conduit la flotte des 32 Figaristes à la latitude la plus Nord jamais atteinte par la Solitaire, jusqu’à tutoyer son arlésienne, j’ai nommé l’île de Man. Disputée dans les petits airs, elle a donné lieu à des renversements de situation invraisemblables où les premiers se sont retrouvés les derniers et vice-versa. Yoyo des classements, ascenseur émotionnel, jusqu’au regroupement final à 100 milles de l’arrivée en Baie de Morlaix. Une arrivée interminable et des écarts irréparables…

Les trois jours et trois nuits de repos n’ont pas été de trop pour digérer la longue première étape (610 milles) et son arrivée un peu brouillonne, avec un leader inattendu et finalement déclassé par le jury. En ce dimanche 3 septembre, les silhouettes des 32 Figaro Bénéteau 3 se reflètent sur le glacis de la baie de Kinsale, grand miroir des ambitions de tous bords. En attendant l’arrivée de la brise, chacun peut croire en son destin. Les 15 premiers ne se tiennent-ils pas en moins de 20 minutes, une paille au vu des conditions météo annoncées ?

Anticyclone oblige, le parcours est d’ailleurs incertain. La direction de course a déjà annoncé que les concurrents ne contourneraient pas l’île de Man mais se réserve la possibilité de leur faire virer le phare qui pare ses dangers immédiats au Sud : Chicken Rock. Drôle de nom au passage pour une île non pas réputée pour ses volailles mais sa race de chats sans queue (les Manx) et ses courses de moto (postérieures à la construction du phare !) Toujours est-il que cette ascension de la mer d’Irlande vers le point le plus septentrional jamais atteint par la course, a de quoi faire rêver…

C’est parti ! Pas très vite certes mais la pétole est un art plus qu’une loterie disent les spécialistes. Certains s’y révèlent plus à l’aise que d’autres pour déhaler leur monture. A l’image du bordelais Romen Richard (Passion santé) ou de Gaston Morvan (Région Bretagne CMB Performance) qui gagne pour la deuxième fois consécutive le parcours côtier et se retrouve leader au moment du premier choix. Le vent refuse et s’écroule à 50 milles de l’entrée du canal Saint-Georges. Laure Faÿ, la reporter embarquée titre avec malice « L’Eire de rien » dans son communiqué du soir et voit juste. Car dans ce petit fond de brise, sans prévenir, le groupe qui file à la côte emmené par Hugo Dhallenne (YC Saint-Lunaire) est en train de réaliser le premier break de la course. Ces bizuths ne respectent décidément rien !


Acte 1 pour Dhallenne

Lorsqu’au petit matin, le groupe parti au large recroise pour stopper l’hémorragie, l’addition est lourde. Corentin Horeau (Banque Populaire), Loïs Berrehar (Skipper Macif 2022), Basile Bourgnon (Edenred) ou Elodie Bonafous (Queguiner, la vie en rose), bref un bon groupe de favoris en sont pour leurs frais : 7 milles de retard au lever du jour qui se transforment en 12 milles après 24 heures de course, c’est beaucoup en Figaro. « La côte ça paye plein pot ! » s’enthousiasme Julie Simon (Douze) à la VHF qui, comme Guillaume Pirouelle (Région Normandie), a choisi le bon bord. Au sprint intermédiaire de South Arklow, Hugo Dhalenne empoche la mise avec à ses basques, Alexis Loison (Groupe Réel), bien dans le coup, comme lors de la première étape.

Le long bord plein Nord vers l’île de Man est l’occasion de creuser encore. Au passage du grand phare au petit matin, les images du chassé-croisé sont superbes mais pas du goût de tous. Le courant embarque les leaders sous spi vers le Sud alors que les retardataires peinent au près, avec une vitesse fond deux fois plus faible… Dhallenne tient toujours les rennes avec dans son sillage Jules Delpech (ORCOM) et Alexis Loison. L’avance du trio culmine à 19 milles par rapport à Gaston Morvan qui emmène le second groupe. Elodie Bonafous est à 30 milles, Basile Bourgnon à 35 … La deuxième étape est-elle en train de se jouer à Chicken Rock ?

Patience, car sur la descente, le classement commence déjà à se brouiller. Alexis Loison se décale dans l’ouest, empruntant une bretelle gagnante et s’empare de la tête mardi en fin de matinée. Remis de son départ passable, Tom Dolan, le vainqueur de la première étape, revient à 3 milles, aux côtés de Nils Palmieri (Teamwork), réglé comme un métronome depuis le départ. Mais la flotte tamponne dans l’Ouest et les retardataires comblent une partie de leur retard en glissant sur une route plus directe. Basile Bourgnon et Corentin Horeau sont encore à 15 milles mardi soir, mais Gaston Morvan est bien revenu, montrant une fois de plus une belle aptitude à rebondir…


Acte 2 pour Loison, Acte 3 pour Morvan

Au lever du jour, c’est le grand chambardement. Le classement s’est tout bonnement inversé ! Que s’est-il passé ? A la faveur du DST de la pointe Saint David au pays de Galles, les chasseurs ont tenté. Pendant que les leaders partaient dans l’Ouest, Gaston Morvan « a fait l’effort de rallier la côte pour profiter de meilleures conditions de courant » explique Yann Chateau le directeur de course. La petite bascule au Sud-Est et un peu plus de pression ont fait le reste. Joint à la VHF au petit matin, Loison croit encore être en tête mais sent le coup fourré puisque les retardataires ont disparu de son AIS. Et cette troisième nuit a été laborieuse dans l’ouest, à veiller une brise famélique sur un fond de houle. Mais de là à se faire reprendre 15 milles… Une chose est sûre, lorsque le catamaran de la direction de course lit les classements à la VHF mercredi, quelques noms d’oiseau doivent fuser dans les cockpits …

Alors, la deuxième étape est-elle en train de se jouer à Saint-David ? C’est le deuxième break et en début d’après-midi, les écarts commencent à être préoccupants pour ceux qui ont navigué en fanfare les 48 premières heures. Toujours dans le Top 10, Loison est à 7 milles du leader Morvan, Dhallenne et Palmieri à 15 et Guillaume Pirouelle, grand favori de cette édition est 24 ème à plus de 20 milles. Il reste seulement 150 milles à courir, bref il y a le feu…


Acte 4 pour tout le monde

Mais la mer Celtique a plus d’un tour dans son sac et en fin de soirée, alors que les traces convergent vers Land’s End (la pointe Ouest de la Cornouaille britannique), un nouveau ralentissement se fait sentir. C’est même un arrêt buffet. Au petit matin de jeudi, les compteurs sont remis à zéro. Loison se recale dans l’entonnoir et reste dans le top ten. Le bizuth Benoit Tuduri*, grand acteur de la première manche (il avait terminé premier sur la ligne) fait son retour aux avant-postes, Corentin Horeau intègre le Top five et Basile Bourgnon sort de son purgatoire irlandais en rasant la côte. Tout est à faire ou refaire. La deuxième étape va-t-elle se jouer à Land’s End ?! A l’entrée de la Manche, il ne reste que 100 milles à courir pour rallier la baie de Morlaix. C’est le quatrième jour de course, la météo annonce un final paresseux, les routages et road books d’avant course ne valent plus rien. Celui qui gagnera sera le plus solide, les plus patient, le plus frais, le plus…


Acte 5 pour un trio gagnant

Ou celui qui rase le plus la côte, encore une fois. Et à ce jeu, Basile Bourgnon est inspiré. Il traverse la flotte et se retrouve aux avant-postes avec son compère trinitain Corentin Horeau. Loïs Berrehar n’est pas loin et c’est d’ailleurs dans cet ordre que se dressera le podium en fin de journée en Baie de Morlaix.

Mais comment se douter de la cruauté du final de cette étape de dingues? Car derrière ces trois-là, c’est le trou. Panne de vent. Le cinquième est à trois heures, et pour une immense majorité, dont de nombreux favoris, la progression au milieu des courants de la Manche vers la ligne tourne au calvaire. Élodie Bonafous, 11e, annoncera à son arrivée au ponton "Je reviens de l'enfer mais plein d'autres y sont encore". Qui est programmé pour résister à ce genre de punition après quatre jours d’efforts? C’est la cinquième nuit sur la deuxième étape et c’est sans doute la Solitaire du Figaro Paprec toute entière qui vient de se jouer en Baie de Morlaix…


Pierre-Marie Bourguinat. Et lu par Serge Herbin : cliquez ci-dessous


* (SUITE À UNE DÉCISON DU JURY DE LA FFVOILE, BENOIT TUDURI S'EST FAIT EXCLURE DE LA COURSE POUR TRICHERIE )

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