Allo Docteur !
- Thomas Campion
- 13 sept.
- 4 min de lecture
Avec 34 marins solitaires qui évoluent dans un milieu assez hostile, la présence en amont de la course, pendant et après de médecins et de kinésithérapeutes est un gage de sécurité indéniable. Embarqués sur toutes les étapes, un des médecins de la course peut intervenir à chaque instant pour conseiller, écouter et prescrire les premiers médicaments ou gestes à effectuer. Sur la première étape de La Solitaire du Figaro Paprec 2025, Marine Rolland, médecin spécialisée en traumatologie, a dû faire face à plusieurs situations qui ont nécessité son intervention.

En quoi consiste votre rôle à bord du bateau de la direction de course et dans quel cadre intervenez-vous ?
« Tout d'abord, on a un rôle auprès des sportifs pour la Fédération, c'est-à-dire que tous les sportifs engagés ont, au minimum, un bilan biologique et une fiche médicale de moins de 2 ans, un test d'effort de moins de 4 ans et une échographie cardiaque. Je suis là pour aider les skippers afin d’avoir tous les documents, les mettre en ordre pour la Fédération Française de Voile.
Et ensuite, je suis également présente pour les aider à préparer leur pharmacie, les former sur les traitements, quand et comment l
es prendre. Certains skippers, je les ai vus en amont pour leur faire une petite formation en accéléré, notamment pour les bizuths. Je suis aussi présente pour le suivi des pathologies, pour mettre en place des protocoles, s'ils ont des suivis au long cours de la traumatologie ou si ils ont des problèmes médicaux en mer, je suis là pour les aider. Si ils ont des soucis en mer, je suis aussi là pour leur répondre, pour les aiguiller sur la conduite à tenir, pour mettre en place les traitements et surtout pour mettre en place un suivi pour le reste de la solitaire ».
Sur cette étape Tom Dolan, le skipper irlandais de Kingspan a eu un problème. Vous pourriez nous en parler ?

« Tom Dolan nous appelle le premier jour de la première étape où il se fait un traumatisme au poignet gauche. C'est difficile d'avoir tous les éléments en mer, c'est vraiment que de l'oral en fait, on ne peut pas l’examiner cliniquement, c'est comme si nous faisions de la régulation SAMU.
La régulation SAMU, on interroge les gens, on essaie d'avoir le plus d'éléments pour diagnostiquer si c'est grave, moyen, grave ou pas grave. En fonction des réponses, nous essayons de prendre les décisions et le cap à tenir. Tom nous appelle, de prime abord on élimine la fracture mais on suspecte une entorse grave, une lésion musculaire des muscles extenseurs du poignet. On met en place un premier protocole, et ensuite on perd Tom.
Pendant 24 heures,nous n’avons plus eu de contact avec lui mais nous avons quand même des infos que Tom ça ne va pas du tout, que les anti-inflammatoires, donc le premier traitement qu'on a mis en place ne suffit pas. Quant nous récupérons une connexion avec Tom nous remettons un autre protocole de traitement en place. On va ensuite essayer de le suivre tout au long de la course pour l'aider.

Et une fois à terre ?
« À terre, c'est la deuxième difficulté, c'est-à-dire que j'arrive dans le deuxième paquet des skippers. Donc Tom arrive très tôt, il arrive à 6h du matin et nous, nous arrivons à 13h. Il faut essayer de trouver des examens sans avoir examiné le skipper ce n’est pas un exercice facile.
On a réussi à programmer une radiographie sur Morlaix à 15h l'après-midi. Moi j'ai rejoint la clinique pour lecture de la radio et voir s'il y avait d'autres examens à mettre en place. Et ensuite, étant donné qu'il n'y avait pas de fracture, j'ai mis en place le scanner et l'échographie pour diagnostiquer vraiment ce qu'il y avait. Finalement pas de fracture, mais quand même un beau trauma du poignée gauche qui va nécessiter un protocole pour le reste de la saison. Mais Tom peut reprendre la mer.
Si vous décidez qu'un marin n’est pas en danger mais n’est pas en capacité de continuer la course, comment cela se passe t’il ?
« Alors moi, je ne peux pas lui dire d'abandonner. Ce n'est pas notre rôle. Le seul qui peut prendre la décision d'abandonner, c'est le skipper. Le directeur de course, également peut prendre cette décision, mais nous, en tant que médecin, on n'a pas ce rôle. Notre rôle, c'est vraiment d'accompagner les skippers ».
Sur cette étape qui était bien engagée avez-vous eu d'autres appels ? Vous avez pu relever des choses un peu particulières ?
« On a eu très peu d'appels sur cette étape. Ça restait vraiment de la petite traumatologie, des lombalgies, des cervicalgies, traumas de genoux. C'est resté vraiment de la traumatologie simple. Ce sont des choses habituelles. À la fin de la première étape, on fait un petit briefing avec l'ensemble des skippers. Nous nous sommes rendus compte qu'il y a eu beaucoup d'hypothermie. Les marins se sont pris des paquets d'eau dans le bateau, des vagues qui déferlaient, qui ont complètement mouillé l'habitacle avec des vêtements trempés, plus moyen de se réchauffer. Donc une dépense d'énergie très importante. Les skippers ont fait des sortes de blackouts, ils sont restés deux heures dans le bateau à ne pas savoir quoi faire et aussi des hallucinations. Ils sont vraiment allés au bout d'eux-mêmes sur ce dernier tronçon. Je pense que si l'étape continuait encore une journée, on aurait eu un peu plus de casse ».







